L’e-administration est un enjeu majeur pour le développement du continent africain. Elle permet de simplifier les démarches administratives, de réduire les coûts et les délais, de renforcer la transparence et la confiance entre les citoyens et les administrations, et de favoriser l’inclusion numérique et sociale. Mais comment réussir la révolution de l’e-administration en Afrique ? Quels sont les défis à relever et les bonnes pratiques à adopter ? C’est ce que nous explique Stéphane Soh Fonhoué, expert en transformation numérique des services publics.
Segmenter les services selon le public visé et le pourvoyeur de services
Selon Stéphane Soh Fonhoué, il faut d’abord distinguer les services destinés aux entreprises de ceux destinés aux particuliers, ainsi que les services fournis par l’État de ceux fournis par les collectivités. En effet, les besoins et les attentes des usagers ne sont pas les mêmes selon ces critères. Les services aux particuliers sont plus complexes à mettre en œuvre, car ils dépendent de la pénétration technologique, du niveau d’éducation et de la culture numérique des populations. Il faut donc dans ces cas envisager des solutions simples et accessibles, comme le SMS ou le USSD. Les services fournis par les collectivités sont également plus difficiles à dématérialiser, car ils impliquent une coordination entre plusieurs acteurs locaux et une harmonisation des normes et des procédures.
Voici une vidéo relatant ces faits :
Adopter une approche progressive et sécurisée
Stéphane Soh Fonhoué recommande ensuite d’adopter une approche progressive et sécurisée pour la dématérialisation des services publics. Il s’agit de commencer par créer des portails d’information, puis de permettre la prise de rendez-vous en ligne, et enfin d’ouvrir des services entièrement dématérialisés avec des comptes personnels. Cette démarche permet de familiariser progressivement les usagers avec l’e-administration, mais aussi de respecter les exigences en matière de confidentialité et de sécurité des données. En effet, certains usagers se font assister par leur entourage ou par des relais de l’administration pour accéder à ces e-services, ce qui peut compromettre la protection de leurs informations personnelles. Il faut donc prévoir des mécanismes d’authentification forte, de consentement éclairé et de traçabilité des opérations. Stéphane Soh Fonhoué est le PDG de Mercury, une entreprise spécialisée dans le digital. Il insiste sur le fait de digitaliser divers processus afin de simplifier la vie des usagers.
Transformer l’administration et intégrer une logique omnicanale
Stéphane Soh Fonhoué souligne également la nécessité de transformer l’administration et d’intégrer une logique omnicanale pour réussir la révolution de l’e-administration. Il s’agit de repenser l’organisation et les processus internes pour s’adapter aux nouveaux modes de fonctionnement induits par le numérique. Par exemple, il faut que certains agents se consacrent aux e-services ou qu’un accompagnement soit instauré pour vérifier régulièrement le portefeuille de demandes en ligne. Il faut aussi assurer une intégration de bout en bout des systèmes informatiques pour éviter une rematérialisation (réimpression des formulaires) avec des échanges de papiers entre services. Enfin, il faut proposer aux usagers différents canaux d’accès aux services publics (en ligne, en présentiel, par téléphone, etc.) et garantir une continuité du service quel que soit le canal choisi.
Introduire le paiement en ligne et favoriser l’inclusion financière
Stéphane Soh Fonhoué insiste aussi sur l’importance d’introduire le paiement en ligne comme dernière brique d’une dématérialisation aboutie. Le paiement en ligne permet de simplifier les transactions financières liées aux services publics, de réduire les risques de fraude et de corruption, et de générer des recettes supplémentaires pour l’État. Mais pour que le paiement en ligne soit efficace, il faut aussi favoriser l’inclusion financière des populations, notamment celles qui n’ont pas accès aux services bancaires traditionnels. Il faut donc développer des solutions alternatives, comme le mobile money ou les cartes prépayées, et les intégrer aux plateformes d’e-administration.
S’inspirer des bonnes pratiques et des expériences réussies
Stéphane Soh Fonhoué conclut en invitant les États africains à s’inspirer des bonnes pratiques et des expériences réussies en matière d’e-administration, tant au niveau régional qu’international. Il cite notamment les exemples du Rwanda, du Kenya ou de l’Afrique du Sud, qui ont mis en place des portails d’e-administration performants et innovants, comme irembo, eCitizen ou eHomeAffairs. Il mentionne aussi le cas de la France, qui a élaboré un guide de bonnes pratiques pour la digitalisation des services publics, basé sur cinq principes : bâtir une équipe multidisciplinaire et assurer une formation continue, concevoir de façon éthique et durable, choisir des méthodologies et des technologies modernes, privilégier la réutilisation, l’évolutivité et l’interopérabilité, et démontrer une gouvernance transparente.